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CHRONIQUES TANGEROISES
CRONICAS TANGERINAS

SOBRIQUETS

De «Hopalong Cassidy» à «Persiana» en passant par «Bouarrakia».

(Par Maurice BENDELAC - 02/99)

Des surnoms, sobriquets, alias, nous en avions à Tanger de toutes sortes, des permanents, se transmettant quasiment de père en fils et d’autres, plus éphémères, juste pour une occasion et qui ne duraient que ce que durent les roses … (Ronsard, Lagarde et Michard, Programme de Seconde).
Certains en avaient même plus d’un, l’officiel, quasiment d’état civil et d’autres, plus occasionnels, correspondant à une époque ou à une anecdote particulière. Avant de vous en citer quelques uns, je me fais fort de respecter une règle à savoir qu’en aucun cas, je ne citerai le nom du porteur du surnom, pas plus que celui qui en est à l’origine. Si les surnoms peuvent être sympathiques, ils ont toujours un côté moqueur, caricatural voire désobligeant et mon intention n’est nullement de vexer qui que ce soit, au contraire, je voudrais qu’on en rie, tous ensemble, y compris les «intéressés».

Je commencerai par quelqu’un appartenant à une autre génération que la mienne. Beaucoup de Tangérois, disons d’un certain âge, portaient souvent un chapeau, la plupart du temps en feutre, de la marque «Fléchet» je crois me souvenir et je ne me tromperais guère si je vous disais que le couvre-chef en question provenait bien souvent du Grand Paris (aux Siaghines d’abord pour «monter» plus tard au Bvard Pasteur ).
Le tangérois dont je vous parle portait le chapeau un peu à la manière que Gary Cooper portait son «Stetson» dans «L’homme de l’Ouest», ce qui lui valut un beau jour l’honneur d’être affublé du surnom de «Hopalong Cassidy», du nom du héros d’une bande dessinée qui circulait à l’époque chez nous.

Dans un tout autre domaine, il y avait «Profumo», du nom de ce député anglais impliqué dans une affaire de mœurs avec une certaine Christine Keller.
La seule chose que nous puissions reprocher à notre Profumo à nous, c’était, outre son ascendance à moitié britannique, de Gibraltar, (tout comme moi d’ailleurs), sa façon de «faire le Boul», toujours entouré de quelques filles de sa classe dont une Christine d’ailleurs …. L’occasion était trop belle, on ne pouvait pas la laisser passer.

Et puis dans une catégorie, disons plus volatile, outre les bombones de gaz de couleur orange, nous avions nous aussi notre «Butagaz»; il s’agissait bien sûr d’un individu particulièrement prolixe dans la quantité et la qualité des «vents» qu’il lâchait; ces émanations de gaz (CH4, méthane, je ne saurais être plus pédant …) se produisaient en outre dans une gamme on ne peut plus variée allant de l’aigu au sonore en passant par «l’amorti» qui correspondrait, musicalement parlant à la sourdine.

Sans trop m’éloigner du sujet, hautement arômatique j’en conviens, comment oublier ce cher «Manchego», dont les émanations provenaient non plus des intestins, mais des extrémités inférieures d’où se dégageait une odeur de fromage à vous couper le souffle. C’était surtout dans les vestiaires de la salle de gymnastique que le côté nauséabond de «Manchego» atteignait toute sa splendeur, il lui suffisait de se déchausser pour faire le vide autour de lui…

Et que dire d’un autre camarade de classe surnommé «Bouarrakia» parce qu’il passait une grande partie de son temps à la Rue Bouarrakia à fouiner dans les fardaux de fringues pour s’équiper en chemises provenant des surplus américains, les roses étaient à l’époque les plus prisées, et d’un autre qu’on appelait «El Morao» parce qu’il était lui, la plupart du temps, amoureux, «enamorao» quoi, vous m’aviez compris. Et puis, je reste en Espagnol, encore que ce mot ne figure à ma connaissance dans aucun dictionnaire «autorisé» de la langue de Cervantes; ce voisin du Lycée Regnault répondait, si j’ose dire, au surnom de «Pitracos» du nom des nerfs et des tissus fibreux que l’on trouve dans un steak, justement là où la viande fait défaut. Il est vrai que dans sa famille on tannait les peaux …

Dans mon groupe de proches, il y avait entre autres «Fusible» parce que c’était toujours lui qui était chargé de réparer l’électricité, radios, fer à repasser, soudure, etc… aucun cable ne lui résistait encore qu’un jour il faillit mettre le feu à la baraque …. Et puis bien sûr, je ne saurais oublier ce cher «Persiana, porque se se enrollaba más que una …» et je puis vous dire qu’il continue à «enrollarse» comme dans le bon vieux temps et qu’il est tout aussi Persiana qu’avant et j’en suis le témoin privilégié puisqu’il a a été mon seul et unique «lien» avec Tanger au cours de ces vingt cinq dernières années.

Je suis sûr que bon nombre d’entre vous, je parle surtout de ceux de ma génération, identifieront sans mal les titulaires de ces surnoms.
D’aucuns même se reconnaitront et si l’envie leur prend de se faire connaître, d’apporter des précisions pouvant s’avérer «historiques», Marhaba, mais ne l’oublions pas, respectons l’anonymat de ceux qui ne veulent pas être identifiés ou nommés. Il s’agit simplement d’adresser un petit clin d’oeil à notre passé et qui sait, peut-être récupérer ainsi un peu de ce qui nous a appartenu.

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